La grève dans le secteur privé
Le droit de grève est un droit fondamental qui est caractérisé par la cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles dont l'employeur a eu connaissance. Il s’agit d’un droit individuel, mais qui s’exerce collectivement.
Le droit de grève n'est pas absolu, ayant des limites à respecter par les salariés. Le droit de grève est réglementé par le Code du travail, mais c'est la jurisprudence qui, au fil des années, a déterminé les limites de son exercice.
Qu’est-ce que c'est la réquisition ?
La réquisition d’une personne est un acte prévu par la loi pour assurer les besoins généraux de la nation. Il s’agit d’un ordre d’une autorité publique qui oblige une ou plusieurs personnes à rejoindre leur poste de travail lorsque l’intérêt général est menacé par leur absence.
Dans le cas des mouvements de grève, la réquisition est une prérogative plus connue en cas de grève dans le secteur public, où la grève est beaucoup plus cadrée. Mais la réquisition peut également être appliquée en cas de grève dans le secteur privé sous certaines conditions. Dans ce cas, une éventuelle réquisition d'un ou de plusieurs salariés grévistes dans une entreprise vise à obliger ce ou ces salariés à reprendre le travail, limitant donc leur droit de grève.
La réquisition des salariés en cas de grève dans le secteur privé
Qui peut être réquisitionné ?
N’importe quel salarié peut être réquisitionné. Tous les salariés dont les fonctions sont nécessaires au fonctionnement de l'entreprise peuvent être réquisitionnés si leur absence en fonction du mouvement de grève menace ce qui la loi appelle les intérêts généraux de la nation
Par contre, la réquisition n’a pas pour fonction d’outrepasser le droit de grève des salariés, elle ne doit et ne peut pas être utilisée comme un outil pour empêcher les salariés d'exercer leur droit fondamental de grève. Ainsi, la réquisition n’a pas vocation à rétablir le fonctionnement normal de l’entreprise. Le rôle de la réquisition est d’assurer un service minimum de l'entreprise ou de l'établissement nécessaire à l'intérêt général de la nation.
Comment réquisitionner ses salariés grévistes dans le secteur privé ?
La réquisition d’une personne est une prérogative des autorités publiques, donc l’employeur ne peut pas réquisitionner lui-même un salarié, mais il peut faire une demande à l’autorité compétente. Uniquement le préfet peut réquisitionner des salariés grévistes. L’activité de l'entreprise ou de l’établissement, ses nécessités pour garantir la continuité et la sécurité du service peuvent justifier l’intérêt général de la réquisition.
Ainsi, le préfet ne prend cette décision qu'en cas d'urgence et en fonction des besoins l’intérêt général. Il doit s’assurer qu’il y ait un nombre suffisant de personnel dans l’entreprise pour ne pas menacer continuité et sécurité du service.
L’arrêté du préfet portant sur la réquisition doit énumérer la nature des prestations nécessaires, définir la durée de la réquisition et en définir les modalités concrètes. Ces mesures doivent être proportionnées aux menaces à l’ordre public et à l’intérêt général.
La réquisition n’intervient qu’en dernier recours et de manière exceptionnelle. Il n’est pas possible de faire une réquisition lorsque le nombre de salariés non-grévistes est suffisant pour assurer le minimum de service nécessaire ou quand d’autres solutions alternatives efficaces sont possibles.
Lorsque les salariés sont contraints de reprendre le travail en raison de l’arrêté préfectoral de réquisition, la reprise du travail met fin à la suspension du contrat de travail.
Quelles conséquences pour le salarié en cas de refus d'une ordonnance de réquisition ?
Le refus d'obéir à un ordre de réquisition est considéré comme une infraction pénale et engendre des sanctions à la personne. Le salarié qui refuse de respecter l’ordonnance de réquisition risque des sanctions pénales, notamment une amende et une peine d’emprisonnement, ainsi que des sanctions disciplinaires liées à son contrat de travail.
Exemples de réquisition
En 2010, la France a connu un important cas de réquisition de salariés travaillant dans le secteur pétrolier. A l’époque, il y avait des conflits et revendications des salariés concernant la réforme des retraites et plusieurs raffineries ont été touchées par les mouvements de grève. En raison de l’arrêt de l’activité du secteur pétrolier, il manquait du carburant dans les stations-service, donc les préfets ont été saisis pour la réquisition des salariés grévistes pour assurer cet intérêt général. Les grévistes de l’entreprise Total en Yvelines, ont été réquisitionnés pendant une certaine période afin d’éviter la pénurie de carburant pour les services d’urgence. Le préfet avait aussi réquisitionné les grévistes de la raffinerie de la Seine-et-Marne.
En outre, en 2003, une décision du préfet portant sur la réquisition des sages-femmes salariées grévistes d’une clinique privée a été annulé par le Conseil d’Etat. Cette décision a pris en compte le fait que le préfet avait déterminé la reprise du travail à l’ensemble de sages-femmes et non seulement d’une partie des grévistes afin d’assurer la continuité d’un service minimum. Ainsi, il y a eu atteinte manifeste au droit de grève de ces salariés.