Cession d'entreprise individuelle
Plusieurs dizaines de milliers d’entreprises chaque année disparaissent faute d’avoir pu être transmises dans de bonnes conditions. Derrière chacune de ces entreprises qui disparaissent, ce sont autant de savoir-faire, de compétences, d’investissements, et d’emplois qui vont être cédés. Une cession d’entreprise individuelle s’assimile à un transfert de propriété.
De ce fait, que ce soit à titre onéreux ou à titre gratuit cette opération entraîne nécessairement des formalités administratives et juridiques. Et la clé de la réussite : l’anticipation.
Les principales étapes de la cession d’entreprise
Pour mener à bien une opération de cession, il faut suivre certaines étapes clés, mais surtout être accompagné, durant tout le déroulement, d’experts et de spécialistes.
- Phase 1 : élaboration du projet en interne et réflexion sur les raisons de la cession (retraite, changement d’activité, difficulté…). Selon les motivations, la cession n’aura pas les mêmes objectifs et devra être menée différemment.
- Phase 2 : information aux salariés du projet au moins 2 mois avant la cession définitive. La loi Hamon instaure une obligation d’information des salariés afin de permettre à ces derniers de présenter une offre de reprise.
- Phase 3 : audit de l’entreprise dans la volonté de présenter à l’acheteur son entreprise sous son meilleur jour et en toute transparence. C'est lors de cette étape que vous pouvez évaluer votre société ou votre fonds de commerce. On entre alors dans une période de négociations. Il faudra donc prévoir un accord de confidentialité, compte tenu des informations qui seront divulguées. A ce stade, l’acheteur potentiel doit faire une lettre d’intention qui atteste de son sérieux.
- Phase 4 : mise en place d’un protocole d’accord, fruit des négociations et cristallisation de la volonté des parties concernant l’opération.
- Phase 5 : pour la pérennité de l’entreprise, il est nécessaire que le cessionnaire accompagne le cédant durant quelques mois après l’opération.
Transmission à titre gratuit ou cession : quelles sont les conséquences fiscales ?
La transmission, contrairement à la cession, peut faire référence à une opération à titre gratuit. La transmission de l’entreprise entraîne des conséquences fiscales importantes.
Elle peut être réalisée de deux manières :
- Soit la transmission est faite entre vifs, c’est-à-dire du vivant de l’entrepreneur et par le biais de la cession du fonds de commerce de l'entreprise individuelle. C’est ce que l’on appelle une donation.
- Soit la transmission apparaît suite au décès de l’entrepreneur, l’entreprise sera alors transmise aux héritiers prévus dans le testament ou à défaut, selon les règles de l’indivision aux héritiers du propriétaire. C’est ce que l’on appelle une transmission-succession.
La cession d'une entreprise quant à elle, se fait à titre onéreux. L’opération prend la forme d’une cession de fonds (fonds de commerce, fonds libéral, artisanal, … suivant la nature de l’activité de l’entrepreneur). La cessation d’entreprise individuelle emporte en principe l’imposition immédiate de l’ensemble des plus-values, cependant ce régime est parfois aménagé notamment pour favoriser la réorganisation des entreprises. Par exemple, une exonération s’applique en cas de cession d’entreprise, lors du départ à la retraite de l’exploitant si l’activité a été exercée pendant au moins cinq ans (article 151 septies A du Code Général des Impôts). Cet article créé un dispositif similaire à celui applicable aux dirigeants de sociétés par actions cédant leurs parts à l’occasion de leur départ en retraite.
La transmission de l’entreprise par la mise en société
Il peut aussi être intéressant d’anticiper la transmission de l’entreprise individuelle en la mettant en société sous la forme juridique d’un apport. Le transfert de l’entreprise par l’intermédiaire d’une société est en principe facilité. Le chef d’entreprise aura alors le choix entre soit vendre lui-même les parts sociales ou actions (cession de parts sociales de SARL ou cession d'action de SAS), soit faire vendre le fonds de commerce par la société.
Le sort des salariés lors du transfert de l’entreprise
À l’occasion de la modification juridique de la situation de l’employeur les contrats de travail sont maintenu de plein droit. Toutefois la jurisprudence admet parfois des réorganisations de l’entreprise par l’un ou l’autre des employeurs. La cession d'entreprise individuelle entraine le transfert automatique des contrats de travail. L'article L. 1224-1 du code du travail dispose que lorsque dans la situation juridique de l'employeur survient une modification, telle qu'une succession vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
Toutefois une condition s'impose : le contrat doit être en cours au jour de l’opération de transfert. Cela recouvre également les salariés en préavis, les salariés détachés à l’étranger, salariés dont le contrat de travail est suspendu (maladie, formation …).
Le salarié conserve toutes les caractéristiques du contrat de travail : tous les droits et obligations qui en découlent se trouvent transférés. Le niveau de salaire demeure identique, l’éventuelle clause de non concurrence perdure, l’ancienneté est maintenue …
La question du transfert des contrats et du maintien des contrats est plus délicate pour les salariés protégés, pour lesquels le transfert du contrat de travail fait l’objet d’un contrôle par l’inspection du travail. Elle va s’assurer que le salarié n’a pas fait l’objet d’une mesure discriminatoire.
Autre difficulté lorsque les salariés ne sont concernés que partiellement par le transfert. C'est-à-dire qu’on est face à un salarié qui partage son activité entre l’activité poursuivie par le cédant et l’activité transférée au cessionnaire. Par exemple une entreprise qui a deux établissements, l’entreprise souhaite garder lors de la cession d'entreprise individuelle une seule personne en charge de la comptabilité pour les deux établissements, l’une des deux usines est cédée, les salariés de l’usine en question sont transférés au repreneur, la cour de cassation précise que dans cette hypothèse le salarié passe au service du repreneur pour la part correspondant à l’activité cédée. Le salarié devient multi employeur. En revanche, lorsque le salarié exécute son contrat de travail « pour l’essentiel » sur le secteur d’activité transféré, c'est-à-dire si la majorité de son activité est cédée, le repreneur doit reprendre l’intégralité du contrat de travail. Dans notre hypothèse il n’y pas de multi-employeur, aucun critère de l’activité majoritaire qui se dégage.
Par conséquent, tout licenciement dont la cause économique est liée à la cession de l’entreprise est dépourvu d’effet. Cela assure la sécurité de l’emploi pour les salariés de l’entreprise qui subissent un changement d’employeur.
Cependant le transfert des contrats de travail ne s’imposera pas lorsque l’entreprise a plus de 50 salariés, et a mis en place un PSE en vue d’éviter la fermeture d’un ou plusieurs établissements de l’entreprise cédante.
De plus, les licenciements pour motif disciplinaire, n’ayant par définition aucun lien avec la cession de l’entreprise, ne sont pas concernés par cette règle.
La cession d’entreprise en difficulté
Il ne faut pas attendre d’avoir des difficultés pour vendre sa société. Cependant, si les difficultés sont avérées il est préférable de passer par la voie de traitement amiable des difficultés telles que le mandat ad hoc et la conciliation.
S’agissant des traitements judiciaires des difficultés, on notera que la procédure de sauvegarde ne prévoit que la possibilité d’une cession partielle de l’entreprise. Dans ce cas, il faudra se tourner vers la procédure de redressement ou de liquidation, si l’objectif de l’opération est une cession totale.
Cas particulier : le recours à la technique du mandat comme protection de l’entreprise
Le mandat est un contrat par lequel une personne (le mandant), donne autorisation à une autre (le mandataire), pour conclure en son nom et pour son compte des actes juridiques avec un tiers. Deux possibilités s’offrent à nous :
- Le mandat de protection future de l'article 447 du Code Civil qui s’applique du vivant de l’entrepreneur en cas d’incapacité physique ou mentale.
- Le mandat à effet posthume prévu par l'article 812 du Code Civil qui devient applicable qu’à compter du décès de l’entrepreneur.
Le mandat peut donc être utilisé pour déléguer, pendant une durée déterminée, la gestion de l’entreprise.
L’entreprise individuelle qui fait partie intégrante du patrimoine de l’entrepreneur est menacée si ce dernier n’est plus en mesure d’exercer ses droits. Il est donc toujours intéressant de recourir au mandat de protection future et au mandat posthume pour se prémunir de tout blocage de l’entreprise.